La PEINTURE ANGLO-SAXONNE


« Ce que le tableau représente ? Cela dépend de celui qui regarde. »

Whistler    

Mais pourquoi donc, dans votre incessante recherche de la découverte du monde anglo-saxon, s’intéresser à la peinture, cet art pas vraiment « populaire » et réservé à des intellectuels, nous ont demandé certains.

Tout d’abord, parce qu’au cours d’un voyage on finit bien souvent, à l’invite de nos amis anglo-saxons désireux de nous faire découvrir leur ville ou leur région, par « jeter un coup d’œil » dans les musées locaux, et que l’on s’arrêtera inévitablement devant quelques toiles ou portraits et qu’il n’est pas plus mal de pouvoir les situer dans une époque ou un mouvement artistique afin de mieux les apprécier.
Ensuite parce que la peinture nous apporte souvent des témoignages vivants – même s’ils sont « posés » - d’un passé où la photo n’existait pas encore et qu’elle est donc source de découvertes intéressantes et de voyages dans le temps.
Egalement parce que la peinture nous révèle inévitablement les choix et les préoccupations d’une autre époque de par les sujets qu’elle a choisis de représenter majoritairement : scènes religieuses, portraits de nobles, scènes naturalistes, etc. …
Sans oublier qu’il est intéressant de savoir si le tableau que vous observez est (ou « a été ») « dans la norme » de son époque ou au contraire s’il était « anormal », rejeté, jugé comme étant choquant, scandaleux, voire révolutionnaire. Et là, un minimum d’apprentissage et de connaissance de la peinture en général s’impose pour pouvoir apprécier.
Et nous sommes bien obligés de reconnaître, pour finir, que la peinture représente une certaine forme de beauté et que chacun éprouvera un jour ou l’autre une véritable émotion devant un tableau rencontré plus ou moins par hasard. Il se produira alors une alchimie tout à fait personnelle, souvent difficile à expliquer et impossible à prédire. Et cela n’est pas négligeable !

Alors, laissez-vous aller, flânez dans les musées au gré de vos voyages sans vous sentir emprisonnés par les pressions de la mode qui voudrait vous imposer certaines visites plus que d’autres : le portrait de « La Joconde » (que nos amis anglais ne connaissent d’ailleurs que sous le nom de « Mona Lisa ») nous enthousiasme beaucoup moins que … Mais à quoi bon en parler ! C’est tout à fait personnel. Et une véritable émotion vous attend peut-être dans un « petit » musée de province – les plus grands n’ont pas de monopole ! Les musées de Londres et de New-York valent le déplacement, bien sûr, mais nous retournerions volontiers dans certaines salles des musées de Liverpool ou de Dublin, de Chester ou de Durham, pour y admirer à nouveau certaines œuvres qui ont su nous captiver, et nous ne regrettons pas ces petites collections abritées dans des châteaux de province découvertes par hasard…

Et si vous nous racontiez vos découvertes personnelles et vos émotions ? Contactez-nous vite !

Que peut bien nous apporter la peinture ?

Si vous faites partie de ceux qui pensent que la peinture se limite à une exaltation du beau réservée à quelques intellectuels snobs, ou à ceux qui ont de gros moyens, vous passez certainement à côté d’un des aspects essentiels de cet art, ou du moins celui qui nous intéresse le plus dans notre découverte du monde anglo-saxon.
Pendant plusieurs siècles – avant l’invention de la photographie – la peinture a joué un rôle de représentation des valeurs religieuses, sociales ou historiques de chaque époque. Et si un tableau ne peut apporter le témoignage d’un « instantané » pris sur le vif (puisqu’il est « posé » et « fabriqué »), il nous en dit néanmoins beaucoup sur son environnement, même à travers ses errements et ses choix partisans.
Une nativité peinte au XIVe siècle ne nous montrera certainement pas les vérités d’un Moyen-Orient disparu depuis, mais elle nous renseignera au moins sur les Européens au Moyen-Age. A ce titre, elle méritera tout notre intérêt. Sans compter que les thèmes mis en valeurs à chaque époque reflètent indirectement les priorités du moment, pour ne pas dire les obsessions d’une certaine classe dominante. Les exemples de peinture figurative que nous offrent les nombreux musées anglo-saxons sont donc, à ce titre, essentiels à découvrir lors de nos voyages outre-Manche et outre-Atlantique.
Bien entendu, un minimum de connaissance de l’histoire de l’Art, des courants ayant parcouru ces époques, des thèmes privilégiés, des styles et des écoles de peinture qui les ont marqués permet de mieux comprendre les messages disposés le long des murs de ces coffres-forts du passé que sont les musées. Mais découvrir ces toiles et se laisser guider par ses émotions ou son attirance, en toute innocence, est déjà une bonne introduction.

Pour ce qui est de l’art non-figuratif du XXe siècle, l’intérêt est tout autre. On se contentera de dire que la peinture, libérée (ou dépossédée ?) de sa tâche figurative par la photographie, s’est aventurée dans des sphères inexplorées, et qu’avec des formes abstraites et des couleurs, elle s’évertue à éveiller chez nous des sensations et des idées « pures », comme Mallarmé tentait de le faire avec des mots obscurs et des sonorités. Nul ne sait jusqu’où cela nous mènera, mais une chose est sûre : l’art abstrait est attaché au XXe siècle et à ses angoisses, et dans ce domaine, pas grand chose de purement « British » à découvrir. Toutefois, à mi-chemin entre le réel et l’abstrait, il y a un créneau très riche d’enseignement, occupé par un des plus célèbres artistes anglais : Francis Bacon – et son art torturé.

Il faut apprendre à lire un tableau !

Un tableau (tout comme une photographie d’ailleurs) est une composition qui doit être décodée pour être comprise, au même titre qu’un texte.

Un texte est un assemblage de mots qu’il faut avoir appris au préalable afin de pouvoir comprendre le sens général de l’ensemble. Et bien un tableau, à notre sens, est également un assemblage d’éléments qu’il faut avoir « appris » pour saisir la signification de la composition. Chaque objet, chaque élément de costume entrant dans la composition nous apporte des indications sur le lieu, l’époque, les relations entre les personnages, etc. – et nous ne pourrons interpréter l’ensemble que si nous les connaissons. Tel élément de la composition nous permettra de situer la scène dans le temps en évoquant une époque précise ; tel autre élément nous fera deviner le lieu ; et d’autres encore se connecteront dans notre esprit à des faits historiques, littéraires ou sociologiques, et ils nous permettront de comprendre le message illustré par l’artiste. Bien évidemment, nous ne pourrons comprendre ces messages que si nous avons « appris » auparavant la signification de ces objets. Il n’y a rien de spontané dans la compréhension d’un tableau ! C’est au contraire l’aboutissement d’un apprentissage. Il faut avoir appris à lire les objets et ce qui se cache derrière eux …
Et si le moyen de communication essentiel devant un tableau est la vue, si le sens premier est l’émotion (« C’est beau ! » ; « C’est bizarre ! » ; « C’est horrible ! » …), il n’en reste pas moins que le sens profond est intellectuel et qu’il sera traduit par des mots. Devant une peinture, après l’émotion, tout le monde parle (même si c’est dans sa tête !).
Que peut bien signifier « La Vierge au pied de la Croix » à un bouddhiste sans culture occidentale ? Derrière un tableau préraphaélite, il y a, la plupart du temps, un récit de la mythologie grecque, et je ne comprendrai vraiment la signification de cette peinture que si je connais ce récit.

Les objets ont un sens et nous parlent, mais bien souvent, c’est le titre de l’œuvre qui nous donnera une clé pour comprendre le tableau en nous mettant sur la bonne piste. Est-ce à dire que certaines idées ne passent que par les mots et sont intraduisibles en image ? Certains iront jusqu’à le dire… mais reconnaissons qu’une toile mieux que les mots sait éveiller des émotions.

Parfois encore, les choses se compliquent car c’est l’absence d’éléments porteurs de sens qui caractérise une peinture. Pas d’époque, pas de lieu clairement évoqués … et c’est alors la connaissance de l’oeuvre du peintre, de sa vie, de ses préoccupations, voire de ses obsessions, qui va nous permettre de comprendre sa toile. A quoi s’opposait-il ? (artistiquement, culturellement ou politiquement parlant). A quelle censure était-il soumis ? Dans ces conditions, le sens ne peut venir que de nos connaissances préalables.

« Ce que le tableau représente ? Cela dépend de celui qui regarde », a déclaré le peintre américain Whistler. Il ne se moquait pas, et nous poussait sans doute à comprendre que nous ne sommes pas tous sensibles aux mêmes éléments, que nous ne ressentons pas tous les mêmes émotions devant les mêmes choses, et que nous n’interpréterons pas tous telle œuvre de la même manière dans la mesure où nous n’avons pas les mêmes connaissances à priori pour comprendre le sens de la composition. On pourrait dire que certains savent mieux que d’autres « lire » les tableaux car ils ont « appris » plus d’objets et plus d’images.

Et à tous ces composants du sens, il faut ajouter les éléments du style. Un texte est classé dans le cercle la poésie, de la prose, du théâtre, etc. et il en porte les signes facilement reconnaissables. Cette classification aide parfois à sa compréhension ou du moins à son appréciation. Et il en va de même pour une toile, et savoir la classer dans son époque, son école facilitera son analyse. Nous tenterons donc ici, sans être trop ambitieux, de vous apporter un modeste début de « vernis » de connaissance de la peinture anglo-saxonne !

Si l’on fouille les livres d’art sur la peinture, il en ressort que chaque époque a été marquée par le choix de ses thèmes favoris et par l’émergence d’écoles de style. En voici un court aperçu :

Siècles :

Dénomination :

Thèmes ou écoles :

XV

Le Moyen-Age

q L’art religieux

XVI

La Renaissance

q L’art religieux
q les portraits
q la perspective
q l’art de la lumière

XVII

L’Age classique

q Le réalisme
q le baroque

XVIII

Le Siècle des Lumières

q Les scènes de société
q les paysages

XIX

La Révolution industrielle

q Le néo-classicisme 
(peindre l’histoire antique = les Préraphaélites en1848)
q le Romantisme
q les paysages
q le réalisme
q l’Impressionnisme (1863)

XX

L’Age moderne

(le Siècle de l’image)

q L’Expressionnisme
q le Fauvisme (1905)
q le Cubisme (1908)
q l’Art Abstrait (1910)
q le Surréalisme (1920)

 

Si la plupart des grands mouvements de peinture se sont développés sur le Continent européen, quelques uns ont vu le jour en Grande-Bretagne, le plus connu étant sans conteste le mouvement Préraphaélite.

Voici une petite liste de mouvements britanniques avec quelques noms d’artistes qui en ont fait partie :

Années :

Ecoles et mouvements :

Artistes :

1848

Préraphaélite

Rossetti
Hunt

1886

New English Art Club
(d’influence impressionniste)

Sargeant
Sickert
Steer

1911

Camden Town Group

Lucien Pissarro

1913

London Group

Gilman

1914

Vorticisme
(Avant-garde)

Wyndham Lewis

1933

Unit One

P. Nash
Henry Moore

1937

Euston Road Group
(peinture objective)

G. Bell

     

À suivre …



 

mai 2003
mise à jour : juillet 2003